TRANSMISSION DU SAVOIR GREC
1°) L'Islam nous aurait transmis le savoir grec.
La transmission du savoir grec par Averroès (Ibn Rushd) - si du moins elle a jamais existé ? aura été inutile
car depuis le bas Moyen-âge, les chrétiens orientaux, grecs ou de culture grecque, fuyant la dhimmitude ou les
persécutions islamiques, s'étaient implantés en Europe et avaient transmis leur savoir. Sous cet angle de vue,
effectivement, l'Islam est bien la cause ? indirecte ? de la diffusion du savoir grecque en Occident.
2°) L'islam ne s'est intéressé qu'à certains documents grecs : les traités de médecine de Galien et d'Hippocrate,
de logique d'Aristote, de mathématiques d'Euclide et Ptolémée. La philosophie et plus particulièrement les
sciences pratiques n'ont pas retenu l'attention des savants musulmans. On sait que la politique d'Aristote n'a
jamais été traduite en arabe. L'éthique n'est connue en arabe que sous forme de résumé ou de commentaire. «
L'Islam reprit des grecs ce qu'il jugea utile ; il en délaissa l'esprit. »
Dans le cas particulier d'Averroès, on notera que les « livres » d'Averroès furent brûlés par les musulmans et
ses disciples furent des juifs et des chrétiens.
3°) Un problème de traduction.
Jamais les arabes musulmans n'apprirent le grec. Même Averroès l'ignorait. Pour disposer des livres d'Aristote
en latin à partir de sources arabes, il faut imaginer une première traduction depuis le grec (langue
indo-européenne) vers le syriaque (langue sémitique), de là vers l'arabe (autre langue sémitique) et enfin
retour vers le latin (langue indo-européenne.) Toute personne ayant lu ne serait-ce qu'un extrait de la Politique
d'Aristote, imaginera facilement ce qu'on peut espérer retrouver du corpus aristotélicien à l'arrivée, après cette
4°) La « Renaissance carolingienne »
Ce que l'on appelle la Renaissance carolingienne est un projet culturel initié par Pépin le Bref (715-768) et
Charlemagne (742-814). Ceux-ci souhaitaient disposer d'un texte « non corrompu et conforme à l'original »
pour tous les documents en latin en provenance d'un original grec. Cette exigence est rendue alors possible car
il existe, en Occident, « au Moyen-âge une authentique diaspora chrétienne orientale ». Lors du Concile de
Rome en 704, le haut clergé est bilingue : « les prélats parlent le latin dans les assemblées et grec entre eux. »
Mais le succès des penseurs grecs atteint son apogée en Occident au début du 12° siècle avec les traductions
de Jacques de Venise le Grec, du nommé « Jean », de celui qu'on peut appeler l'anonyme du Vatican et d'un
autre anonyme, auteur de la Metaphysica Composita. Ces traductions, effectuées avant 1127, directement
depuis le grec vers le latin, ont précédé les traductions venues d'Espagne.
Jacques de Venise le Grec (+1145/1150) est un vénitien installé à Constantinople qui résida par la suite à
l'Abbaye du Mont St Michel. Il y a tout lieu de penser que ce sont bien les traductions de Jacques de Venise
que Saint Thomas d'Aquin a utilisées, en particulier pour ses Expositions de la Métaphysique, de l'Ethique et
de la Politique d'Aristote.
5°) Pourquoi Ethique et Politique d'Aristote n'ont pas été traduit en arabe ? se demande Sylvain Gouguenheim
« L'Islam est d'abord une orthopraxie, une conformité aux règles et aux rites, que tout musulman doit
respecter?.Le fiqh (le droit) est là pour rappeler ce qui est interdit, obligatoire, blâmable, et la morale ne
consiste pas à faire le Bien au sens où le monde gréco-romain ou le christianisme l'entendent, mais à agir
selon la Loi, c'est?à-dire à Dieu (Allah) : est moral celui qui se soumet à la loi d'Allah. Une civilisation se
caractérise en partie par le système juridique qu'elle met en place et sur lequel repose son organisation sociale.
« La loi n'est rien d'autre qu'une ordination de la raison en vue du bien commun, établie par celui qui a la
charge de la communauté, et promulguée. » St Thomas d'Aquin, Somme théologique Ia IIae, q 90 a 4.
Pour St Thomas, la condition sine qua non d'une véritable autorité est la volonté efficace et habituelle du
Prince de poursuivre le bien commun. Tout pouvoir politique qui ne poursuit pas le bien commun est une
tyrannie, une contrefaçon d'autorité.
Note sur Averroès, arabe d'Espagne, né en 1126 à Cordoue. Les autorités musulmanes de l'époque l'exilent
comme hérétique et ordonnent que ses livres soient brûlés. Sa disgrâce auprès de ses coreligionnaires est due à
ses efforts pour déterminer avec précision les rapports de la philosophie et de la religion islamique. Il meurt en
Gouguenheim Sylvain : Aristote au mont St Michel. Les racines grecques de l'Europe chrétienne- Editions du
Sigrid Hunke : Le soleil d'Allah illumine l'Occident.
Dominique Urvoy, Averroès. Les ambitions d'un intellectuel musulman, Flammarion -1998
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