2. - Apostasie des chrétiens indigènes.
Si encore pour les groupes de Berbères chrétiens la qualité avait racheté la quantité ! Mais hélas ! On sait avec
quelle hâte avaient été embrigadés par les donatistes, ces milliers de paysans indigènes qui allaient parcourant
la Numidie, mettant tout à feu et à sang, tuant les catholiques et se tuant eux-mêmes, croyant ainsi obtenir la
palme du martyre. Beaucoup de ces barbares probablement ne savaient de leur religion que crier Deo laudes !
Les baptêmes en masse qui ont eu lieu en Numidie, et un peu partout dans l'Afrique romaine au
commencement du Ve siècle, qui avaient également eu lieu au III° et au IVe siècle, étaient à un certain point
de vue consolants, mais combien périlleux pour l'avenir! Que peut-on attendre en effet de populations,
chrétiennes seulement de nom, le jour où éclate une persécution ou quelque tempête inattendue?
On l'avait vu aux terribles persécutions de Dèce et de Dioclétien (1). On le vit encore après 430. Quinze ans
après ces baptêmes en masse que St Augustin nous signale à Theveste et à Sitifi, par exemple, la domination
romaine croule en Afrique et s'établit la puissance vandale. (arienne)
Le nombre des apostats fut immense, dit dont Leclercq, en parlant de la persécution de Dèce (L'Afrique chrét.,
Ceux qui avaient succombé n'avaient pas l'excuse de la souffrance ou de la torture menaçante, ainsi qu'il
arrivait dans les persécutions antérieures. Cette fois, le respect humain, la peur et, pour tout dire de ce mot si
dur, la lâcheté, avaient tout fait. Ce fut parmi les chrétiens d'Afrique une émulation dans l'avilissement. Les
magistrats furent contraints de remettre au lendemain des fidèles trop empressés à abjurer (S. Cyprien., de
On voyait comme une interminable procession, traversant le forum, et montant les degrés du Capitole:
c'étaient des chrétiens chargés de fleurs, de victimes, d'encens. Tout ce monde se hâtait, se coudoyait, dans
son empressement à satisfaire à l'édit... »
(1) Dans les Actes de Ste Crispine martyrisée à Théveste, en 30l, le Proconsul Anulinus dit à la sainte matrone
pour la pousser à l'apostasie :
« Toute l'Afrique l'a fait, tu sais (Actes. 1). »
On pourrait croire qu'il n'y avait là qu'un odieux mensonge; mais St Optat de Milève confirme hélas! cette
affirmation quand il écrit à propos du concile de 312, contre les traditeurs :
« En ce temps-là, il n'y avait pas de raison de rougir, car à l'exception de quelques catholiques, tout le monde
avait péché, et c'était comme une espèce d'innocence que cette complicité dans le crime. » De Schism. Donat., 1, 20.
Un peu plus loin, le même auteur parlant de cette multitude d'apostats, dit encore :
« Comme tous les renégats ne pouvaient approcher des sacrifices sacrilèges, on était forcé de placer partout de
l'encens, tout lieu était un temple pour le crime, etc. » (1. c., III, 8).
En même temps, les envahisseurs barbares et païens qui, depuis le III° siècle, battaient comme des vagues
furieuses, les frontières de l'empire, finissent alors par les renverser, submergent, dans une grande partie de
l'Afrique romaine, les anciennes populations indigènes et les renouvellent sur plusieurs points.
Qu'arrive-t-il ? Les semences tardives que les Evêques avaient commencé à jeter sur les Hauts-Plateaux au
début du Ve siècle sont étouffées en grande partie, et, des nombreuses chrétientés qui avaient commencé à
germer à cette époque, deux seulement se retrouvent au VIe et au VII° siècle: Tiaret et Tlemcen (Pomaria).
Assez fortes pour résister à la tempête ou du moins pour renaître de leurs cendres, supposé qu'elles aient
succombé, car nous ne connaissons pas les vicissitudes par lesquelles elles ont passé après 430, ces deux villes
ont pu se développer si heureusement, loin de l'ingérence des successeurs de Hunéric, qu'elles ont été, dans le
Magreb, les deux boulevards de la résistance indigène, contre les Arabes. Quant à tous les autres centres, ils
Un ouragan semblable s'était abattu sur la Gaule en 405-406: Les Suèves, les Alains, les Vandales étaient
passés comme un torrent dévastateur et ne s'étaient arrêtés qu'à l'Océan. De là, ils étaient revenus sur leurs
pas, chargés de butin et d'esclaves :
« C'est à cette incursion, dit Pilloy, qu'il faut rapporter la destruction de tous les établissements romains que le
IVe siècle avait vu prospérer dans notre pays relativement tranquille jusqu'alors. Après leur passage, nos
provinces n'étaient plus qu'un désert de ruines fumantes. Les cimetières s'arrêtent à cette date néfaste, par la
raison péremptoire que les Gallo-Romains, les Lètes, les vétérans auxiliaires et les colons avaient tous subi le
sort commun : ils avaient été tués ou emmenés en esclavage.