a) Thèse musulmane envers les chrétiens et les juifs :
Lors du Congrès des Orientalistes tenu à Alger en 1905, un Arménien, M. Arakelian, avait préparé un travail
sur l'intolérance de l'Islam, qui devait être lu dans la séance du mardi, 25 avril Son but était du reste de
provoquer un commentaire autorisé, comme il le dit lui-même, sur différents passages du Coran.
(Texte publié dans le journal La Dépêche Algérienne du vendredi 28 avril 1905)
Un Tunisien de passage à Alger, M. Bechir Sfar, président du Conseil d'administration des biens habbous,
ayant lu cette annonce, y répondit par une lettre datée du 27 avril. (Dép. Alg. du 1° mai)
Après avoir divisé, avec la doctrine islamique, les non-musulmans en deux classes :
1° les Ahlou 'IKitab ou gens du livre (Bible), c'est-à-dire les chrétiens et les Juifs
2° les Mouchrik ou idolâtres polythéistes
Il subdivise encore les non-musulmans :
a) en dhimmis, ceux qui sont soumis à l'autorité politique de l'islam ;
b) en moustamin, c'est-à-dire les sujets étrangers ayant des traités de paix avec les musulmans ou qui leur
demandent asile ou protection ;
c) en mouharib qui sont en état de guerre avec l'Islam.
L'auteur continue ainsi :
« Ces derniers, cela va sans dire, sont placés hors de la loi. Tués, leur sang est perdu ; faits prisonniers, ils sont
réduits en esclavage, mais ils conservent toujours leur liberté de conscience et peuvent être rachetés. »
Le Zend ou le livre sacré des Guèbres est également mis, par les musulmans, au nombre des livres saints: les
dix livres qu'Abraham reçut du ciel. Leur religion porte le nom honorable de religion d'Ahraham.
D'Herbelot, Biblioth. Orient., p. 701.; Hyde, de religione veterum
Le terme de mouchrik est souvent appliqué aux chrétiens qui sont censés adorer trois dieux. A ce propos, on
trouve quelquefois dans les ouvrages musulmans des appréciations flatteuses, comme celle-ci, à l'adresse des
« Les chrétiens n'ont aucune notion du calcul, et, en vérité, ils en ignorent le premier mot, car ils mettent trois
en un et un en trois. » Journ. Asiat., LIX, p. 480. Pour les idolâtres et les impies, c'est celui de kafir qui leur
Les savants musulmans de l'ancienne école ne sont pas tous de l'avis de M. Bechir Sfar.
Voici en effet ce que pense un des plus autorisés, Abou Djafar en Nahas, de la vraie signification de
A la page 57 de son ouvrage, en expliquant le verset 220 de la sourate II (La vache) il dit :
« L'école de Bou Hanifa (l'un des quatre rites dits orthodoxes) explique ce mot mouchrik en disant qu'il
s'applique uniquement aux adorateurs d'idoles (ahl et aouthân).... mais cette explication est contraire à
l'opinion unanime des auteurs versés dans la science et la philologie. Il y a un argument plus fort encore, c'est
que le Livre de Dieu lui-même donne le nom d'idolâtres (mouchrikin) aux Juifs et aux chrétiens.
Voici ce verset du Coran:
« Ils ont pris pour maîtres et pour dieux leurs prêtres et leurs moines, et ont abandonné Dieu et le Messie, fils
de Marie. Cependant, il ne leur avait été ordonné que d'adorer un seul Dieu, en dehors duquel il n'y a pas de
Dieu. Or eux, ils lui ont donné des associés. »
(Sourate IX ? l?Immunité ? At Tawbah ? v. 31)
1 « Toujours », c'est faux : Les prisonniers faits sur le champ de bataille étaient ordinairement voués à la mort.
Ils ne rachetaient leur vie que par l'apostasie.
Cfr. Gibbon, histoire de la Décadence des Romains, X, p. 327.
Voici du reste ce qu'en pense un représentant autorisé de l'Islam :
Abou Djafar en Nahas, mort en 338 de l'hégire, auteur d?un ouvrage sur :
rapporte diverses opinions au sujet du traitement à infliger aux prisonniers idolâtres.
L'une de ces opinions veut, il est vrai, qu'on soit libre de choisir entre ces trois choses :
la mort, la grâce ou le rachat,
attendu que Mahomet a appliqué ces trois diverses sentences. Il a mis à mort les prisonniers captifs, tels que
Ocba ben Abou'I Moît et En Nadhir ben el Hareth, pris à la bataille de Bedr, Ibn Khatel qui s'était réfugié dans
la Kaâba; et en a gracié d'autres.
Mais il en cite une autre selon laquelle il n'est pas permis de les gracier ni de les laisser se racheter. Il faut les
mettre à mort s'ils ne se convertissent. Il exprime cette doctrine par la formule suivante qui traduit
parfaitement le « crois ou meurs. »
Le sabre et la mort ou l'Islam !
Essif, el quitâl ou ama ?Ilslam
Cfr. Ibn Naqquach qui écrivit une fetouah célèbre en 759 H.= 1357-1358. Il y traite en détail de la condition
des dhimmis (Journal Asiatique, 1851, p. 222, 419)
« La condition des dhimmis (1) ou non musulmans soumis à l'autorité de l'Islam est réglée par la charte
d'Omar. Ce khalife qui étendit au loin les limites de l'empire musulman et qui est surnommé
« Sarouq » ou le « Juste », déférant au désir du patriarche Sophronius, se rendit lui-même à Jérusalem, pour en
prendre possession sans effusion de sang. La ville ayant capitulé, Omar accorda à Sophronius un « Ahd »,
espèce de charte réglant la condition des non-musulmans.
« A charge de payer la djezia ou impôt de capitation, de se soumettre à l'autorité musulmane et de ne pas
servir leurs ennemis, les dhimmis jouissent des mêmes droits et ont les mêmes devoirs que les musulmans.
« C'est là un principe fondamental de la loi musulmane. Les dhimmis ont la liberté absolue de conscience
basée sur le texte même du Coran qui dit:
« Point de contrainte dans la Religion ; la vérité se distingue assez de l'erreur. Ils ont droit à la justice absolue
et sans réserve. (S. 2, 256)-
« Ceux qui commettent des injustices à l'égard des dhimmis ne pourront invoquer mon intercession au jour du
« Le meurtre d'un dhimmi par un musulman entraîne, suivant le cas, soit la peine du talion, c'est-à-dire
l'exécution, soit la dia ou prix du sang, sans préjudice du « taâdhid » ou punition corporelle. Il en est de même
des non-musulmans étrangers, vivant en terre d'Islam, en vertu de traités de paix ou de trêves.
« Comme on le voit, nous sommes loin des persécutions musulmanes et du fanatisme musulman.
« Mais, dira-t-on, et la conversion de l'Afrique du Nord, qu'un livre de catéchisme, préparé spécialement pour
les chrétiens de l'Algérie et de la Tunisie, présente comme le résultat de terribles persécutions?
A cela je répondrai que le livre de catéchisme fait erreur : les musulmans, en conquérant l'Afrique, y
trouvèrent des Berbères idolâtres, quelques Berbères chrétiens ou juifs et beaucoup de Byzantins.
Ceux-ci, après la conquête de Carthage, émigrèrent en Sicile et en Orient, les idolâtres se convertirent
d'eux-mêmes soixante ans après la conquête ; les Juifs conservèrent leur religion,
et les Berbères chrétiens ne furent complètement convertis que trois siècles plus tard.
L'islamisation des Berbères est due simplement à ce fait : similitude de moeurs avec les Arabes, et simplicité
de la religion musulmane détachée de tout dogme et de tout mystère. »
Telle est l'opinion de M. Bechir Star et probablement d'un grand nombre de ses coreligionnaires de la classe
élevée et instruite de Tunisie et d'Algérie.