COPTES D?EGYPTE ? ESPAGNE - IFRIKIA
En passant en Afrique, les Arabes se conduisirent en Egypte comme ils l'avaient fait en Asie. Les Coptes
indigènes du pays séparèrent leur cause de celle des Grecs, se soumirent sans combattre à Amrou. Leur
patriarche, Benjamin, chargé d'aller offrir leur soumission, dit au général arabe :
« Mes frères et moi sommes résolus à vivre et à mourir dans la profession de l'Evangile et de l'unité de
Jésus-Christ. Nous ne pouvons embrasser la religion de votre prophète, mais nous désirons la paix et nous
consentons de bon coeur à rendre tribut et obéissance à ses successeurs temporels ". »
(RENAUDOT, Histoire du patriarcat d?Alexandrie, p. 156.)
Amrou leur donna l'aman et le tribut fut fixé à deux pièces d'or pour chaque chrétien. Furent exceptés de cette
taxe personnelle les vieillards, les moines, les femmes et les enfants des deux sexes jusqu'à l'âge de seize ans
De graves auteurs assurent qu'on trouvait alors en Egypte 20 000 villes ou villages. Cf. Description de
l?Egypte par MAILLET qui a été vingt ans consul au Caire, au XVIII° siècle. EUTYCHIUS, dans ses
Annales, (II, pp. 308-311 ),
dit que le dénombrement qui fut fait alors par les Arabes donna 6000 000 de coptes tributaires, et 20 000 000
d'habitants de tout âge et de tout sexe. Si la pièce d'or ou dinar avait alors la même valeur qu'au Moyen-Age,
c'est-à-dire 13 fr., la communauté copte dut alors s'engager à payer 13 x 2 x 6 000 000, c'est-à-dire 156 000 000 fr., somme énorme pour l'époque!
De l?Egypte, passons en Espagne.
On y trouve de la part des généraux arabes la même façon d'agir:
Après la prise de Mérida, en 712, Mouça donna aux habitants le choix entre l'exil et le tribut. Les musulmans
et les chrétiens se partagèrent les églises et on confisqua au profit des premiers la fortune de ceux qui avaient
péri durant le siège ou qui s'étaient retirés dans la Galice. Gibbon nous donne, au tome X de son grand
ouvrage sur la Décadence de l'Empire romain, le texte du traité qui fut passé entre Mouça et Théodemir prince
des Goths. (Ce traité écrit en arabe et en latin se trouve dans la Bibliotheca Arabico-hispana, II, p. 105-106)
Articles de paix convenus et jurés entre Abd el Aziz fils de Mouça lbn Noceir et Théodemir, prince des Goths
« Au nom de Dieu très miséricordieux, Abd el Aziz fait la paix à ces conditions:
Qu'on n'attentera ni à la vie, ni à la propriété, ni aux femmes, ni aux enfants, ni à la religion ni aux temples des
Que Théodernir livrera volontairement ses huit villes d'Orihuela, Valentola, Alicante, Mola, Vacasora, Bigerra
(Bijer), Ora ou Opta et Lorca;
Qu'il ne secourra ni ne recevra les ennemis du Khalife ;
Qu'il paiera annuellement ainsi que chacun des Goths de famille noble une pièce d'or, quatre mesures de blé et
d'orge et une certaine quantité de miel, d'huile et de vinaigre, et que l'impôt de chacun de leurs vassaux sera de
la moitié de cette contribution.
« Donné le 4 de Rejeb (5 avril), l'an de l'hégire 94 (713) et signé de quatre témoins musulmans. »
Fleury (Hist. Eccl. IX, p. 261.) a donné, d'après l'histoire de Sandoval, (p. 87) la substance d'un autre traité de
l'an 734, entre un chef arabe et les Goths-Romains du territoire de Coïmbre, en Portugal. (Coïmbra, région de
Fatima au Portugal, Fatima, là où la Vierge Marie est apparue en 1917)
La contribution des églises y est fixée à 25 livres d'or, celle des monastères à 50, celle des cathédrales à l00.
On y déclare que les chrétiens seront jugés par leur comte, mais que, dans les affaires capitales, celui-ci sera
obligé de consulter le cadi ; que les portes de l'église doivent être fermées et que les chrétiens sont tenus de
respecter le nom de Mahomet.
Cette liberté leur fut non seulement conservée sous les khalifes Ommiades (depuis 756), mais encore
« Sous le nouvel empire des Khalifes, dit le Card. Hergenröther, (Hist. de l?Eglise, III, p. 47) les chrétiens qui
furent bientôt appelés Mozarabes, furent souvent accablés de lourds impôts, mais ils jouirent de plus de
liberté qu'auparavant. Ils avaient des tribunaux distincts, exerçaient des charges publiques et pouvaient même
sonner leurs cloches, dans la capitale de Cordoue. Ils conservèrent leurs 29 évêchés, avec 4 métropoles dans
Les choses s'étant ainsi passées en Syrie, en Egypte, en Espagne, il serait bien extraordinaire qu'elles se
fussent passées autrement dans l'ancienne Afrique romaine. Nous n'avons aucun motif de supposer, d'autant
moins que les musulmans qui ont soumis l'Espagne et y ont importé l'Islam étaient ceux-là mêmes qui
l'avaient introduit en Afrique ; et la plupart même étant Berbères, ils n'ont dû imposer aux Espagnols que ce
qui leur avait été imposé à eux-mêmes.
Outre cet argument à priori qui n'est pas sans force, on a un document qui prouve péremptoirement que les
chrétiens de l'Ifrikia ont eu, eux aussi, la liberté de rester chrétiens à condition de payer l'impôt.
En effet, l'Ifrikia à peine conquise par Hassan, le vainqueur de la Kahéna, nous voyons celui-ci rentrer à
Kairouan, s'occuper d'organiser l'administration du pays (702-703), notamment d'établir le kharadj (impôt
foncier), faisant inscrire sur les registres, nous dit Ibn Khaldoun, non seulement les chrétiens indigènes, mais
aussi ceux qui étaient étrangers à l'Ifrikia :
« Il (Hassan) soumit au même tribut les individus de race étrangère qui se trouvaient encore en Ifrikia ainsi
que cette portion des Berbères et des Branès qui était restée fidèles au christianisme. » (Ibn KHALD. I. p.
215 De la traduction. Cf. FOURNEL, les Berbers, 1, p. 224.
Ce kharadj étant, comme on le sait, l'impôt foncier établi sur les « hommes du Livre », c'est-à-dire sur
les chrétiens et les Juifs qui consentaient à payer le droit de conserver leur religion,
il s'ensuit que les gouverneurs de l'Ifrikia n'agirent pas autrement à l'égard des Africains que n'agissaient à la
même époque les gouverneurs de l'Egypte, de la Syrie, etc.
Nous ne connaissons pas les tribus chrétiennes et les villes peuplées d'étrangers qui payèrent le droit de rester
chrétiens ; mais, d'après les expressions de l'auteur musulman, il y avait des indigènes de l'une et de l'autre
race, le mot Berbères semblant indiquer ceux de la seconde race : Zenata, Louala, Nefouça, Houara, Nefzaoua
et ceux de Branès, c'est-à-dire ceux de la première race.
Dans cette liste du cadastre établi par Hassan, figuraient certainement les villes de Tunis, de Tozeur et de
Nefta, ainsi que la tribu des Nefzaoua qui habitait dans les environs, car le grand historien des Berbères dit un
peu plus loin : (El Bekri nous dit: Hassan ayant battu les Roum et pris Tunis, ceux-ci le prièrent de ne pas
entrer de force chez eux et ils s'engagèrent à payer le kharadj ? p. 91 de la trad. De stane.)
« Nous connaissons certains villages assez remarquables de la province de Castilia, situés à une courte
distance les uns des autres et appelés les villages des Nefzaoua. On y trouve maintenant des Francs qui vivent
sous la protection d'un traité : ils y sont restés, eux et leurs ancêtres, depuis la conquête musulmane jusqu'à
nos jours, et, comme ils professent une des croyances tolérées par l'islamisme, ils jouissent du libre exercice
de leur religion et paient la capitation. » (Ibn Khaldoun, I, p. 231)