Ce livre de Tidiane N Diaye est l une des choses les plus fortes et les plus douloureuses qui soient à lire:
«Sous l avancée arabe, (“) des millions d Africains furent razziés, massacrés ou capturés, castrés et déportés
vers le monde arabo-musulman. Cela dans des conditions inhumaines, par caravanes à travers le Sahara ou par
mer, à partir des comptoirs à chair humaine de l Afrique orientale.
Telle était en réalité la première entreprise de la majorité des Arabes qui islamisaient les peuples africains, en
se faisant passer pour des piliers de la foi et les modèles des croyants. Ils allaient souvent de contrées en
contrées, le Coran d une main, le couteau à eunuque de l autre, menant hypocritement une «vie de prière»,
ne prononçant pas une parole sans invoquer Allah et les hadiths de son Prophète».
Et l auteur nous livre (presque) tous les détails. Les tactiques employées inspirées du djihad (attaques
surprises en pleine nuit, suivies du massacre des vieux) puis enseignées aux partisans, le cynisme, la zizanie,
les justifications racistes bestiales, les motivations mercantiles, la légalisation et la sanctification de la traite,
l effondrement des civilisations africaines, le dépeuplement systématique de régions entières, grandes comme
des pays européens, et les cortèges d esclaves, le long de routes marquées de part et d autre par les squelettes
blanchis et les dépouilles plus récentes, mutilées, de leurs prédécesseurs tombés en chemin, les castrations
systématiques, souvent totales (75% de mortalité, mais une valeur multipliée sur le marché), les avortements
et assassinats réguliers des enfants des esclaves sexuelles, l épouvantable «normalisation» de ces processus,
«Stanley constata que dans certaines régions d Afrique, après leur passage [des négriers arabo-musulmans], il
ne subsistait guère plus de 1% de la population. Dans le Tanganyika, les images des horreurs de la traite
étaient visibles partout. Nachtigal, qui ne connaissait pas encore la région, voulut s avancer jusqu au bord du
lac. Mais, à la vue des nombreux cadavres semés le long du sentier, à moitié dévorés par les hyènes ou les
oiseaux de proie, il recula d épouvante.
Il demanda à un Arabe pourquoi les cadavres étaient si nombreux aux environs d Oujiji et pourquoi on les
laissait aussi près de la ville, au risque d une infection générale. L Arabe lui répondit sur un ton tout naturel,
comme s il se fût agi de la chose la plus simple du monde:
«Autrefois, nous étions habitués à jeter en cet endroit les cadavres de nos esclaves morts et chaque nuit les
hyènes venaient les emporter: mais, cette année, le nombre des morts a été si considérable que ces animaux ne
suffisent plus à les dévorer. Ils se sont dégoûtés de la chair humaine.»
Et les chiffres, les comparaisons, les estimations. Les dates, les décisions. Quelques dessins et photographies.
La reconnaissance de la lutte contre l esclavage par divers mouvements civiques, religieux et politiques de
l Occident, mais aussi les tergiversations des acteurs des grandes puissances après que tout cela ait été révélé
et officiellement condamné. Les veuleries, les complicités. Mais surtout: la totale absence de repentir, de
quelconque regret, des Musulmans ou des Arabes actuels:
«Il serait grand temps que la génocidaire traite négrière arabo-musulmane soit examinée et versée au débat, au
même titre que la ponction transatlantique. Car, bien qu il n existe pas de degrés dans l horreur ni de
monopole de la cruauté, on peut soutenir, sans risque de se tromper, que le commerce négrier
arabo-musulman et les jihâd (“) provoqués par ses impitoyables prédateurs pour se procurer des captifs furent
pour l Afrique noire bien plus dévastateurs que la traite transatlantique. Et ce, encore sous nos yeux
aujourd hui (janvier 2008), avec son lot de massacres, avec son génocide à ciel ouvert».
L auteur décrit les différents types d esclavage. Celui des Africains entre eux (qu il assimile à un servage),
celui des Arabes, puis celui des Occidentaux. Il passe en revue les grands événements, les capitulations et les
actes de résistance (contre Saladin, par exemple, qui finit par écraser les révoltés noirs), fait le portrait des
acteurs marquants, de criminels abjects, et de héros, et héroïnes, de la tragédie. Il dessine les routes de
l esclavage, en explique les motivations, les impératifs, les sources et les utilisations; il cite les témoins.
Son approche de l Islam est très équilibrée. Il veut croire que le Coran permet des interprétations humanistes,
digne d une religion normale; il cite des hadiths utilisables dans ce sens, conteste la validité d interprétations
racistes des textes, mentionne des Musulmans qui ont combattu l esclavage, et prend la peine, à plusieurs
reprises, d affirmer que les motivations religieuses des négriers servaient de paravent à des intentions
purement criminelles. Mais il relève tout de même que :
«L esclavage étant validé et institutionnalisé par l Islam, il eût été impie chez les Arabes de le remettre
"L esclavage en terre d Islam reste un sujet à la fois obscur et hypersensible, dont la seule mention est
souvent ressentie comme le signe d intentions hostiles», notait ainsi l historien Bernard Lewis.
Ces Arabes commettaient les pires crimes en Afrique, mais pensaient qu ils n en restaient pas moins fidèles
aux principes de l Islam, qui autorisent l esclavage. Leurs actions étaient favorisées par les m urs et
encouragées par des traditions religieuses qui, à leurs yeux, étaient plus fortes que toutes les lois de la terre. Ils
n avaient donc à cacher leurs crimes qu aux croiseurs européens, puisque leurs gouvernements les
approuvaient entièrement».
Et on ne peut pas manquer d être troublé, même si l ouvrage ne le signale pas, par le parallélisme entre le
phénomène religieux islamique et ce que l auteur nomme l «extinction ethnique programmée» menée par
des Musulmans en Afrique.
Une autre citation sur les relations du phénomène avec l histoire européenne:
«L Afrique du Nord que les Occidentaux ont longtemps qualifiée de Barbarie, du grec barabaros qui désigne
tout étranger à la civilisation gréco-romaine, est une vaste étendue de terres en grande partie désertiques. Ses
habitants, appelés Barbaresques, étaient des brigands qui, jusqu au XIXe siècle, pillaient les navires
européens en Méditerranée. Ils menaient également de nombreux raids sur la terre ferme en Corse, en
Sardaigne, sur les côtes d Espagne, de France, d Italie et de Grèce».
«Ils capturaient des Européens et ne les rendaient à leurs familles que contre rançon ou les réduisaient en
servitude. Ces Barbaresques asservirent ainsi pendant des siècles de nombreux captifs chrétiens. On disait
«Plus que des marchandises pillées, les Barbaresques tiraient profit des captifs. Le chrétien cessait
d être un infidèle qu on arrachait à son pays pour devenir un objet de négoce, dont on essayait de se
débarrasser le plus vite et le plus cher possible.»
Pendant des siècles, l Église catholique n eut de cesse de les racheter. C est cette piraterie qui sera
l un des motifs essentiels de la colonisation de l Algérie par la France».
Génocide voilé (Le) Tidiane N'Diaye - Edition : Gallimard -
Prix : 29.00 EUR -Nombre de pages : 288
http://www.pointdebasculecanada.ca/article/453-le-genocide-voile-par-tidiane-n8217diaye-enqute-historique-sur-la-traite-musulmane.php