Pourquoi le Sauveur ressuscité ne s'est-il pas montré à ses ennemis ?
Vous demandez peut-être pourquoi le Sauveur ne s'est pas fait voir aux Juifs, à la Synagogue, à toute la ville
de Jérusalem, après sa résurrection, afin de confondre leur incrédulité. Nous répondrons qu'il n'y était point
En effet, à qui prétend-on que le Sauveur était obligé de se manifester avec tant d'évidence ? A ce lâche
gouverneur qui l'avait condamné contre sa conscience ? A ce léger et voluptueux Hérode qui l'avait raillé ? A
ces Prêtres, à ces Docteurs, à ces Pharisiens qui n'avaient cessé de le poursuivre de leurs calomnies et de leurs
intrigues, jusqu'à ce qu'ils l'eussent conduit sur le Calvaire ? A ces Juifs furieux qui, tout comblés de ses
bienfaits, avaient demandé sa mort à grands cris, et souhaitaient que son sang retombât sur eux et sur leurs
Par où tous ces hommes si criminels avaient-ils mérité le bienfait de son apparition ? N'en avait-il donc pas
fait assez pour leur salut ? Est-il raisonnable de prétendre que Dieu doit répandre ses grâces plus
abondamment à mesure qu'on s'en rend plus indigne, et multiplier les preuves de la foi à mesure qu'on y
Les hommes irréfléchis voudraient qu'il eût en quelque sorte forcé ses ennemis au silence, par l'éclat
irrésistible de sa présence glorieuse ; c'est précisément ce qu'il ne voulait pas. S'il veut que la foi soit motivée
pour être raisonnable, il veut aussi qu'elle soit libre pour être méritoire. Il doit à tous des preuves
suffisantes ; mais celui qui en ce genre reçoit moins, n'a pas le droit de se plaindre et de crier à l'injustice,
parce qu'un autre aura reçu davantage.
Vous demandez pourquoi le Sauveur ressuscité n'a pas apparu à toute la ville de Jérusalem, à la Synagogue, à
tous ses ennemis ? Et moi, je vous demanderai pourquoi il n'a pas apparu à Rome, à Corinthe, à Éphèse,
partout où sa résurrection fut prêchée et donnée pour fondement de sa religion ? Et, en ce genre, les demandes
n'auraient point de terme.
Nous ajoutons avec saint Chrysostome, que sa manifestation eût été inutile aux Juifs, et que, si elle eût dû les
convertir, il ne s'y serait pas refusé ; mais ce qui avait suivi la résurrection de Lazare prouvait bien le
En effet, un miracle aussi frappant que celui d'arracher au tombeau un mort enseveli depuis quatre
jours, avec toutes les marques de la corruption ; de le faire paraître vivant aux yeux de tout un peuple,
avec les liens dont il était encore garrotté, ce miracle, au lieu de les convertir, n'avait fait que les rendre
plus furieux, puisque ce fut pour cela même qu'ils résolurent de faire mourir le Sauveur. Ils ne lui
avaient pas pardonné la résurrection d'un autre, lui auraient-ils pardonné la sienne ?
Sans doute ils ne pouvaient plus rien sur sa personne, mais leur haine implacable n'eût pas manqué de tenter
un nouveau déicide. Leur conduite envers les Apôtres en est la preuve : ils les firent battre de verges et mettre
à mort quand ils purent. S'ils traitaient de la sorte les Disciples, auraient-ils épargné le Maître ? Ainsi, à quoi
bon les exposer à un nouvel attentat ? Les châtiments qu'ils avaient mérités étaient bien assez graves ; le
Sauveur les épargne en se dérobant à leurs regards.
Nous ajoutons encore qu'il leur manifesta suffisamment sa résurrection par ses Disciples. En effet, le
témoignage des Apôtres, soutenu par des miracles éclatants, leur en fournissait une preuve sans réplique. Par
leurs propres miracles, les Apôtres rendaient publique la résurrection de leur Maître, et la mettaient en quelque
sorte sous les yeux de la nation.
Le Sauveur ressuscité ne se montrait-il pas au milieu des Juifs toutes les fois que ses Apôtres opéraient, en son
nom et par le pouvoir qu'ils avaient reçu de lui, quelques-uns des prodiges que nous lisons dans leur histoire ?
C'est par eux qu'il voulut se manifester aux Juifs ; c'est par eux qu'il s'est manifesté à l'univers ; c'est par leur
témoignage continué à travers les siècles qu'il se manifeste encore à nous ; c'est par leur autorité que tous les
peuples se sont convertis. Que manquait-il aux Juifs pour les imiter ?
Conclusion : Le Sauveur a manifesté sa résurrection à des témoins irrécusables ; leur témoignage nous est
connu ; ce témoignage a convaincu l'univers : que faut-il de plus pour prouver que nous sommes sages dans
notre croyance, inexcusables dans notre incrédulité ?
Mgr Gaume Catéchisme de persévérance (1889)
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