De 1562 à 1568, la ville de Gaillac resta au pouvoir des catholiques.
Antoine Pusquet, frère de ce Pierre qui avait été pendu à la requête du cardinal Strozzi, était poussé chaque
jour par ses parents ou alliés à venger ceux qui avaient été tués, soit le jour du massacre, soit ensuite par la
Il reçut un jour avis de se rendre à Rivières, château situé à une lieue de Gaillac, et il se trouva en présence du
baron de Paulin et autres gentilshommes huguenots : il promit de leur livrer la ville.
Le 8 septembre 1568, il s'empara, à la tête de cent hommes, de la porte de la Gastouille. Surpris, les
catholiques ne firent presque aucune résistance. Un seul se défendit vaillamment, Pierre Lebourcier, et fut tué.
Dans l'espoir d'un secours, ils se réfugièrent, comme en 1562, dans le château de l'Olm et se préparèrent à la
Ils repoussèrent toutes les attaques jusques au 10 septembre. Les huguenots, pendant ces deux jours, reçurent
des renforts : le vicomte et le baron de Paulin, force gentilshommes avec des soldats. « Il faut, disait le
vicomte, que toute la ville soit aux papauts ou aux huguenots ». En effet, vers les trois heures du matin, avec
grand bruit de fifres, de tambourins et d'arquebusades, ils pénétrèrent dans le château de l'Olm et y mirent le
feu. Catholiques et protestants durent fuir devant l'incendie. Tout fut consumé : blé, vins, meubles, chevaux,
bœufs, vaches, dont on entendait du dehors la voix confuse et effroyable, et émouvaient de pitié et de
compassion même les plus cruels.
« Mais surtout ce qui était le plus à regretter, c'était plusieurs malades vieux, hommes et femmes, qui, ne
pouvant bouger de leurs maisons, n'ayant personne pour les secourir, furent cruellement brûlés ou assommés
par la chute des édifices ».
Les huguenots étaient maîtres de la ville ; ils firent une grande fosse où ils jetèrent pêle-mêle tous les prêtres
Tous ceux qui ne purent fuir, furent fait prisonniers: les huguenots furent relâchés sans rançon. Les
catholiques, - les malins comme on les appelait - n'en eurent pas si bon marché ». Les uns furent pendus, les
autres arquebusés ou dagués.
La chasse à l'homme commença ensuite : tous les catholiques qui furent pris « furent mis à mort de sang-froid
par les preneurs, si bon leur semblait, sans autorité, forme ni moindre justice ; ce que je voyais souvent, où on
n'avait point fait de mal. Je voyais comme cinq ou six qu'ils étaient, menaient et conduisaient les mains liées
derrière le dos, les pauvres catholiques qui étaient tombés entre leurs mains, là-bas à un jardin qu'on disait de
l'abbaye, où étant on les dépouillait tout en chemise, même s'ils portaient souliers et bas de chausse ; après, les
faisait mettre et tenir debout sur une muraille qui regardait et donnait sur la rivière du Tarn, et là étant, un des
susdits huguenots lui tirait par derrière un coup de pistolet, de pétrinas ou d'arquebuse ; mais je n'en vis jamais
tomber en avant sur la face dans le précipice de la dite rivière : tous tombaient incontinent en arrière, la face
vers le ciel, demeurant étendus comme le prenant à témoin de l'injure qu'on leur faisait ».
Après avoir purgé la ville de catholiques, ils pillèrent et profanèrent les églises ; nappes, devants d'autels,
chappes, croix, calices, ornements et reliquaires formèrent un riche butin. Puis la ville fut démolie : ils
renversèrent les maisons des prêtres et des catholiques, transformèrent les cloches en pièces d'artillerie,
rasèrent les églises, les hôpitaux, les plus beaux monuments.
Les prêches recommencèrent ; et c'est de force « et à grands coups de bâton » qu'ils y conduisaient ceux qui ne
voulaient pas y aller de gré.
La Réforme devait aussi épurer les mœurs. On sait les diatribes que ses chefs ont proférées contre la
Maîtres de Gaillac, les huguenots se mirent à la recherche de toutes les femmes de mauvaise réputation, « et
autant qu'ils en purent prendre ; attraper et trouver, ils les serrèrent en prison pour quelques heures, d'où les
ayant tirées, les conduisirent à la place principale de la dite ville, et faisant embrasser à chacune d'elles un des
piliers qui soutenaient les couvertes, comme on dirait peu ou moins de deux heures, vint un qui portait un
bonnet rouge sur la tête, ayant dans sa main un couteau bien aiguisé ; lequel coupa à chacune une oreille, et
après quoi les délia et laissa aller en liberté ; mais cela ne se fit pas sans grands regrets et cris qu'elles firent »